La course à l’innovation créée l’illusion que la nouveauté est toujours préférable à l’acquis. La nouveauté profite de la présomption de perfection alors que l’acquis souffre des défauts expérimentés.
Ah l’effet de mode !
En fait, depuis des décennies, les organisations empilent les strates d’outils et de méthodes. Rarement une nouvelle strate se substitue à d’autres vers la simplification. Une strate ancienne contient toujours des éléments auxquels on ne veut ou peut pas renoncer. Une strate récente révèle rapidement ses failles et limites après une période d’enthousiasme inéluctablement déçue. Le résultat est une complexité croissante des systèmes d’information, pour des bénéfices souvent médiocres.
En grossissant le trait, je constate 2 tendances opposées. D’une part, les pilotes de la performance, auditeurs et consultants (donc moi aussi) promeuvent les leviers neufs pour générer un gain de performance visible et rapide. D’autre part, les acteurs opérationnels préfèrent les outils patinés, pour préserver l’efficacité de leur savoir-faire.
Le « Hype Cycles Emerging Technologies » du Gartner nous invite à la modération et la patience quant aux attentes boursouflées par l’effet de mode.
Les buzzwords évoluent sans fin pour masquer l’échec des tentatives successives, qui se sont heurtées à la résistance au changement. Mais les organisations doivent tout de même s’adapter aux évolutions de l’écosystème, sous peine de disparaître.
En fait, la performance est issue de la juste combinaison entre acquis et innovation. Or il est compliqué d’équilibrer le meilleur de chaque technologie ou approche. Il est beaucoup plus simple de tout miser sur un levier unique. En conséquence, les efforts sont instinctivement portés dans une direction unique, quitte à changer de cap après une grosse déception. La transformation de l’entreprise subit alors un effet de balancier, cadencé par l’essoufflement des modes. Parfois même, on en revient à des fondamentaux oubliés, par simple bon sens, après des errements coûteux.
Les stratèges et les tacticiens de l’Entreprise doivent disposer d’une vision globale, intégrant tous les facteurs influents. La discipline permettant ce pilotage est la Gouvernance d’entreprise, associée à la Gouvernance du Système d’Information.
Je prends pour exemple Processus et Données. Depuis plus d’une décennie, le Master Data Management traite des données pivot dans l’entreprise. Un autre courant est celui de la vision processus, portée par d’autres experts, ceux du Business Process Management. Il me semble que les 2 courants forment rarement un même fleuve. Pourtant, ils partagent beaucoup d’enjeux.
Je constate que les entreprises investissent souvent dans un effort unidirectionnel, selon la sensibilité des décideurs. Un temps, la démarche Processus profite d’un élan formidable, et même excessif, avec une volonté de cartographie exhaustive inutile, requérant une équipe nombreuse. Le manque de retour sur investissement conduit à l’arrêt brutal du projet et au limogeage du sponsor, qui n’a pas su prendre les bons raccourcis et valoriser auprès de la direction générale les bénéfices obtenus. Un nouveau sponsor fait alors briller les perspectives d’une approche résolument orientée Donnés avec la mise en place des rôles associés spécifiques, dont le très récent Chief Data Officer. Cela conduit inéluctablement au même échec, car ces démarches sont de simples composantes à orchestrer dans une vision systémique. À décider le « Comment » sans partager le « Pourquoi », on s’égare fatalement.
Processus et Données sont étroitement liés. L’objet métier transformé par un processus est une donnée, dont le cycle de vie est calqué sur le déroulé de bout en bout du processus.
Il n’est donc pas question de se focaliser sur la dynamique de processus en ignorant le canevas des données ni d’établir le modèle conceptuel des données en ignorant la logique de valeur induite par les processus.
0 commentaires